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« Journaliste, c’est un métier !? » Lorsque vous tendez votre carte de visite, il y a encore certains individus perclus d’a priori – on va rester poli – pour vous poser la question. Ce à quoi on répondrait volontiers : « Non, c’est un sacerdoce ! » De là le billet d’humeur qui suit. Liste non exhaustive des idées reçues et autres raisons qui placent le métier de journaliste en 2e position au top 5 des métiers les plus stressants. (Source : StepStone, 2017)

 

#1 Le salaire de journaliste ou le SMIC du passionné 

Vrai. Commençons de suite par le sujet qui fâche : le salaire des gens de presse. Autant s’arracher cela comme un sparadrap. Il suffit de jeter un œil sur la grille tarifaire du site de l’AJP (Association des Journalistes Professionnels) pour se faire une idée : le journaliste n’est pas riche. Celui-ci n’a pas contracté un mariage de raison avec son métier. C’est la passion qui le porte. Pour le meilleur et surtout le pire, mais sans la frustration de passer à côté de sa vocation, voire de soi-même.

 

#2 Des interviews de gens intéressants et des reportages dans des lieux insolites ?

Vrai/faux. Ministres fédéraux, designers de renom, grands patrons, gravures de mode et autres personnages en vue ne manquent pas en effet dans le carnet d’adresses du journaliste. Si c’est à cela aussi que l’on réduit les gens intéressants, en tout cas. L’entrevue est souvent brève, par téléphone et on ne va pas ensuite prendre un thé ensemble toutes les semaines. En ce qui concerne les lieux insolites, c’est sans doute vrai quand on pense à certains voyages de presse. Par contre, vous êtes-vous déjà retrouvé au lit tout le week-end pour cause de crève, à la suite d’un reportage sur la chaîne du froid chez un gros acteur du transport frigorifique ? D’accord, ce n’est pas le Viêt Nam. Rien à voir non plus avec la pénibilité de certaines professions. Mais il y a plus agréable dans la vie comme conditions de travail que des -18°C.

 

#3 Une journée de journaliste ne ressemble jamais à celle de la veille

Vrai. Et c’est tant mieux, quelque part. Journalistes d’investigation comme journalistes desk ont fini par faire de l’impondérable leur quotidien. Je n’oublierai jamais le 30 août 1997, lorsque Lady Di a perdu la vie dans un accident de la route, à Paris. C’était un dimanche, mes collègues et moi étions sur le pont – pas celui de l’Alma, mais plutôt à la rédaction du magazine qui m’employait alors. Cela fleurait bon le barbecue par cette belle journée d’été dans les jardins alentour. Pendant ce temps-là, nous couvrions l’événement et nous nous relayions en équipes jour et nuit. Le paiement des heures sup’ ? Voyez le point #1 ci-dessus. Et ceci à une époque où les TIC (Technologies de l’Information et de la Communication) n’étaient pas celles d’aujourd’hui. Seuls le fax et le téléphone fixe existaient. Pas d’Internet ni de photos numériques. Le GSM n’était utilisé que par les primo adoptants. A présent, si vous souhaitez embrasser la profession de journaliste, retenez bien ceci : sachez écrire vite, bien et appuyé sur tout ce qui ressemble à un coin de table, et ce, en mode 24/7.

 

#4 C’est glamour d’être journaliste

Faux. Même en travaillant dans la presse féminine, où on ne teste pas des produits de beauté haut de gamme à longueur de journée et on ne loge pas dans des 5 étoiles non plus. Les reportages sont tellement peu glamour qu’ils vous contraignent parfois à négocier avec vous-même en matière d’hygiène. Concrètement, quand vous lisez que tel ou tel journaliste a eu la chance, voire l’exclusivité, de rencontrer telle ou telle sommité, comprenez ceci : il s’est levé à une heure improbable, a avalé une tartine de Gouda dans le métro sur un banc entre deux junkies et… une fois sur place, l’interview a été reportée.

 

#5 La presse, c’est cool

Faux. Pour quelle raison en serait-il ainsi ? Parce que le journaliste disposerait d’entrées presse à volonté ou qu’il peut se faufiler partout ou encore se garer sur les places de parking PMR ? Vous connaissez :

  • les interviews express ? Le principe : les journalistes se succèdent en interview, disposant chacun de 7 minutes montre en main, et ainsi de suite jusqu’au dernier. Si vous êtes celui-ci, il vous faudra redoubler d’ingéniosité pour conserver l’attention de votre interlocuteur, tout en posant la sous-question originale et pertinente.
  • le « petit » changement de dernière minute ? Cela signifie qu’il va falloir être doublement vigilant, surtout quand il s’agit d’une photo, par exemple. Les trois quarts du temps, la légende de départ n’a plus rien à voir avec cette photo que l’on n’attendait pas. Dans le cadre d’un article sur le fret aérien, vous avez ainsi un beau cliché de tous chefs d’Etat à l’aéroport de Liège. Sous ceci, on peut lire : « Des porcs sur le tarmac liégeois ». C’était moins une. D’accord, on ne sauve pas de vies et il n’y a pas mort d’hommes. Par contre, c’est un moment d’inattention qui peut vite coûter un poste, voire provoquer un incident diplomatique ;
  • le délit de faciès et les intimidations ? Le journaliste en est encore trop souvent victime. Surtout s’il fait bien son métier et qu’il exerce correctement son 4e pouvoir. Une pensée ici pour ceux qui, parmi nos confrères et consoeurs journalistes, voient leur intégrité menacée. Ou même leur vie ;

Dans un tel contexte, la réalité quant au métier de journaliste doit se situer quelque part entre l’adrénaline et la passion. C’est le propre de celui pour qui c’est toute sa vie. Une vie de journaliste.